Mémoire d'un nécromant

Spoiler:

Voilà maintenant 437 ans que je persiste en ce bas monde. Ma "vie", si je puis encore m'exprimer ainsi, fut bien seule et sans aucun espoir...

La naissance d'un homme provoque toujours une grande joie dans le cœur d'un foyer. Ma naissance fut la création d'une simple immondice sans chair. Un "bébé", une créature plutôt, deux bras, deux jambes, une tête... Tout semblait indiquer une constitution normale. J'étais normal. Il ne me manquait juste que quelques organes... quelques cellules...

Ma mère n'a pas survécu à ma création. Mon père n'existe plus. On dira plus tard que c'étaient des démons. Qui d'autres que des démons auraient pu engendrer une abomination pareille ? Pas de cheveux, des yeux noirs, les rides creusées, et le plus étonnant : Pas de chair.

Dès ma création, on n'a fait que retirer la molécule de vie que j'aurai pu voir croître en mon âme. Depuis, Je n'ai plus guère d'espoir : tous ceux qui sont entrés en contact avec moi ont fini par disparaître dans d'atroces souffrances... certains se sont vu affectés par la peste noire, d'autres avaient tous simplement une liquéfaction de leurs organes qui suintaient et se retiraient par tous les pores de leurs corps, les plus intelligents, quant à eux, se suicidaient à ma vue.

Je fus très vite contraint de partir vers l'âge de mes 2 ans. N'ayant pas la même constitution, il semblait que j'étais déjà adulte.

Ce n'est que vers l'âge de mes 10 ans que je compris qui j'étais vraiment : un simple nécromancien de naissance. Je n'avais rien demander à personne moi. J'étais seul... ou presque, des morts il y en a partout : il me suffisait de tendre l'oreille pour percevoir d'infimes chuchotements, des jérémiades pour la plupart... sauf deux voix. Deux voix plus fortes que les autres. Intrigué, je m'approchai de l'endroit d'où venaient ces voix. Je rentrais dans une forêt qui semblait étrangement calme, "The dark Forest" selon les croyances locales. Ces bois étaient sombres, lugubre même. Et pourtant je ne pouvais faire autrement que de me sentir irrémédiablement attiré par cet endroit nauséeux et marécageux. Derrière un buisson et quelques petits arbustes je vis deux petites "choses". La première semblait être étalée de tout son long sur le sol, une grosse carcasse blanchâtre. Quant à l'autre, il semblait bien "vivant", malgré la seule apparence d'une carcasse reptilienne...

_ Nan mais genre t'vois : moi je lui ai dit genre c'est cool et tout mais moi dans l'histoire c'est pas cool du tout ! et puis tu sais...

Le reptile se dandinait autour de cette autre carcasse pourtant encore immobile.

_ Silence !..
_Quoi t'es pas d'accord avec ce que je te dis ? Nan mais genre tu vois c'est pas cool de dire ça en fait je parle et tout et toi t'en a rien a fou...
_ Selck !.. On nous observe...

Le reptile s'immobilisa soudain. darda, avec ce qui semblait ressembler à une langue fourchue, dans les quatres directions cardinales. Sa tête se figea dans ma direction. Je n'étais pas pris de panique mais ne réagissait pas pour autant.

_ Ce n'est pas un Humain. Tu crois que ça peut être un copain ?
_ ...
_ T'es vraiment pas cool quand tu t'y met, tu vois tu râles toujours et dit que je parle toujours de trop mais tu fais jamais rien pour...
_ Il est toujours comme ça ?

Je ne pouvais qu'être intrigué par ces êtres étrange. De petites créatures pourtant si diférentes de ce que j'avais pu voir pour le moment...

_ Ne fais pas attention à lui étranger.

Cette carcasse aux allures immondes et repoussante n'avait pas bouger d'un centimètre depuis le début de mon espionnage. Mais peut être était-ce dans sa nature... En y regardant de plus près cette carcasse semblait celle d'un paresseux.

_ Qu'est ce que vous êtes au juste ?
_ Je suis Selck ! Je suis né y'a...
_ Selck !.. La ferme !.. Et toi étranger ? Tu n'as pas l'odeur des humains, qu'es tu au juste pour pouvoir nous entendre, nous comprendre et surtout... Pourquoi restes-tu là ?

De cette discussion s'ensuivit un rapprochement amical. Comment ne pas faire autrement entre des êtres qui me ressemblaient tant, Selck était ce petit reptile qui me redonnait espoir, quant à ce paresseux, il semblait intrigué par je ne sais quoi, il semblait cependant être inteligent et surtout très sage...

Désormais, vous qui me lisez, vous savez qui je suis. Un être dénué de vie, ou presque.
Soyez indulgents lorsque vous me croiserez, car l'espoir n'est plus. L'espoir a coulé en moi comme ce sang aurait pu cailler dans les pauvres veines de mortels, l'espoir n'existe plus... Il n'a jamais existé. Je suis né mort. Je mourrai vivant...

Kraan, "mémoire d'un nécromant",
Chapitre 1, de la naissance à Selck...

Vivre seul. Tel a dû être mon choix lorsque je
compris que Selck et le paresseux seraient mes deux seuls compagnons
tout du long de ma pauvre et misérable existence. Oh ! Bien sûr Selck
bavardait sans cesse et m'offrait le peu de distraction dont j'avais
besoin mais je ne pouvais exister idéfiniment dans ce monde là.
J'avais pu trouver de quoi m'habiller. Je portais depuis la rencontre
une longue toge noire qui me cachait aux yeux de tous. Quant à mes deux
compagnons, j'avais décidé de les cacher en fourrant leurs carcasses
dans des peluches à leur effigie. Mis à part l'odeur pestilentielle,
les quelques substances qui suintaient de toute part et le fait qu'ils
étaient "vivant", ils pouvaient passer inaperçu. Selck avait élu
domicile sur mon épaule droite, sans doute afin de pouvoir parler
directement dans mon oreille pour s'assurer que je puisse bien
l'entendre et ne plus feindre mon ouïe peu fine. Quand au grand
paresseux, il était attaché autour de moi sans jamais vraiment bouger.
Ses seules actions étaient de me prévenir d'un danger imminent en
s'agitant brusquement ou d'engueuler l'autre reptile amorphe sur mon
épaule, mais pas une seule fois il n'avais parlé...

Nous vivions reclus de la société. Nous évitions les villes. Pas de
rencontres. Rien qui puisse trahir notre présence jusqu'au jour de mes
12 ans... si tant est que mon anniversaire puisse signifier quelque
chose telle que la création de l'abomination.

Nous arrivâmes à l'entrée d'une grande ville une nuit d'hiver. Il
semblait faire froid étant donné la couche de poudre blanche qui
recouvrait le sol et le toit des maisons... des maisons, il y en avait
de toutes part, les rues étaient pavées, on voyait encore la fumée des
feux de cheminée malgré l'heure tardive. Mais plus une âme qui vive.
Toutes les lumières s'étaient éteinte... plus un bruit ne semblait
perturber ce silence glacial. Le hululement d'une chouette au loin.
Puis plus rien.
Soudain je pris conscience de ma solitude, je n'avais fait que
vagabonder pendant toutes ces années. J'avais fui. Je m'étais caché.
Jamais je n'avais découvert la société. Je vivais comme un ermite.
Comment évoluer ? Que faire lorsque le sort et le destin a ainsi
condamner votre existence de cette façon ? Comment parvenir à...

_ Ne te triture pas l'esprit de cette façon Kraan...
_ ...

Comment osais-t-il ?! Cette chose ?! Comment osais-t-elle s'insinuer
dans les pensées des gens ?! Comment et surtout pourquoi ! Pas une
seule fois elle n'était venue me parler, pas une seule fois je ne l'ai
entendu prononcer le moindre mot... Je ne savais rien d'elle et voilà
qu'elle décide à me perturber dans mes propres pensées ?!.

_ Mon nom est Nécromos. Ne cherche pas à comprendre. C'est ce soir que tu sauras. Tout commenceras dans quelques minutes...
_ Tout commenceras quoi !? Qu'est ce qui commencera ? Tu te fou de moi là ?!

Trop tard. La peluche avait quitté sa place autour de moi et libéré de
son étreinte. Même Selck avait bondi sur sa tête et tous deux s'étaient
éloignés de dix pas derrière moi. Soudain le hululement de la chouette s'arrêta. Les cloches de la ville retentirent. A l'autre bout de la rue
semblait naître une ombre... une ombre grandissante. Elle plongeait
toute la ville dans l'obscurité...

_ Kraan ! Souviens toi de qui tu es ! L'heure de ton destin approche ! Affronte le et vois si tu mérite cet avenir !

L'ombre venait d'apparaitre a quelques mètres de moi. Il s'agissait en
fait d'une bête aussi large qu'une maison et aussi puante qu'une fosse
sceptique. Je n'étais pas effrayé. Quelque chose en moi semblait
vouloir que je prenne mes jambes à mon cou, mais l'autre partie voulait
que je reste. Je regardais cette bête dans les yeux - si tant est
qu'elle en ai - de long crocs dégoulinant de bave se trouvaient prêt de
mon nez. Son haleine aurait pu assommer n'importe quel humain mais par
chance, il se trouve que je n'en suis pas un... de longs bras pourvus
de puissantes griffes voyaient le jour à quelques centimètres de mes
yeux. Il voulait me broyer. Je ne pouvais plus réagir.

_ Tu crois qu'il va s'en sortir ?
_ Regarde Selck...

Une aura m'entourait, je venais de comprendre qui j'étais. Je m'étais
caché tout ce temps, je n'avais jamais compris pourquoi les morts me
parlaient ni même pourquoi j'étais moi même mort. Maintenant je le
savais. J'étais là pour éradiquer le mal... J'étais présent pour
m'éradiquer moi-même. Je devais éradiquer la mort.
La patte griffue de la bête se souleva alors soudain, une gerbe de bave
perlait comme de la pluie sur mon visage. Mais je restais là. sans
bouger. La griffe m'arrache le bras droit. Je ne sentis pas même la
douleur ni quelque sentiment que ce soit. Le monstre semblait surpris.
Il ne comprenait pas, dans un un accès de rage, il se mit à m'arracher
l'autre bras. Toujours aucune douleur. Seule une substance noirâtre
perlait sur le sol et faisait fondre le peu de neige encore restant
autour de moi.

_ Vas y Kraan, c'est le moment.

Une vague d'énergie me submergea, Je sentais mes bras s'animer, ils
étaient pourtant encore entre les griffes du monstre mais ils
s'illuminèrent soudain. De la paume de mes chaque main s'étaient élevé
une flamme Verdâtre. Soudain les morts étaient là. Combattre le feu par
le feu. Combattre la mort par la mort. La souffrance m'atteignit cette
fois. Le feu me brulait, non pas cette flamme mais le feu des morts,
ceux qui s'étaient vus invoqués lors de cette cérémonie... Le monstre
paniqua et laissa retomber mes bras mais il était trop tard : quatre
squelettes de même envergure que le monstre l'encerclait et le
maitrisait sans autre forme de procédure...

_ Extermination...

Telles furent mes dernières paroles avant de plonger dans un sommeil
sans rêves. Je me rappelle m'être endormis heureux. Je venais de vaincre
la plus grande peur... Celle de ces habitants... dans un dernier effort
de volonté je parvins à entendre quelques mots...

_ Il l'a fait.
_ Oui mais la route est encore longue Selck. Vaincre la solitude n'est
passé que très près. Désormais, il ne répandras plus la maladie
lorsqu'il fréquenteras les autres humains.
_ Mais ça veut dire que je pourrai plus beaucoup parler si y'a plus d'humains !
_ Selck ?..
_ Quoi encore Nécromos ?
_ Ferme la tu veux ?
_...

Kraan, "mémoire d'un nécromant",
Chapitre 2, La mort de la solitude...

Spoiler:

_Eh ! Tu crois qu'on pourrait le réveiller ?! Allez quoi s'il te plait !.. juste une fois : je suis sur que si je lui pisse dessus il va se réveiller sans problèmes !
_ Selck...
_ Ok ok j'ai compris, je vais voir ailleurs si tu y es...

Selck parti sans demander son reste voir s’il n'y avait pas un petit quelque chose à grignoter... Necromos, quant à lui, semblait parler à haute voix.

_ Voila maintenant 1 semaine qu'il dort Seigneur, ne pensez-vous pas qu'il était trop tôt ? Après tout il n'a que 12 ans ce petit. Il est encore faible bien que son art sois d'une puissance que je n'avais encore jamais vu...
_ Occupe toi de lui. Il se réveille. Pars mon disciple et demande à ton frère d'aller quérir ces messieurs fort serviables.
_ Bien Seigneur.

Je ne devais certainement pas écouter en faisant semblant de dormir mais cette personne venait de disparaitre sans prévenir. J'aurai souhaité en savoir plus mais mes bras me faisaient atrocement souffrir.

_ Je vois que tu es réveillé Kraan. Selck est parti chercher les personnes qui t'ont amenées ici...

On ne me disait pas tout. Selck était parti chercher à grignoter. De plus c'est son frère qui aurait dû partir chercher ces gens... quelqu'un approchait mais pas de Selck en vue...

_ Ah monsieur ! Merci du fond du cœur pour ce que vous avez fait ! Voila maintenant presque 12 jours que vous dormez, mais venez ! Nous allons vous remercier pour avoir terrassé ce monstre !
_ Grand merci à vous mais je dois encore me reposer...

Ce n'était pas moi qui avais parlé. Je le savais. Pourtant l'homme ne sembla pas percevoir la différence et s'en alla sans rien demander de plus. Selck revint 10 minutes plus tard avec un homme de corpulence moyenne. Quelque de tout à fait banal hormis qu'il connaissait mon nom.

_ Kraan. Soyez le bienvenu. Je tiens à vous demander de vous préparer. Nous partons sur le champ Pour Ekin’Lahn. Vous êtes un danger pour la société actuel et vos dons seront bien plus utiles pour la confrérie que gaspillés comme vous le faites actuellement.

Je ne comprenais pas ce qu'il voulait dire. Une chose était sure. La non réaction de mes deux amis, ainsi que les moyens mis en œuvres pour me faire entrer en ce lieu étaient colossales et il paraitrait que ce soit mon destin d'après l'autre glandu de Selck...

_ Bah quoi ! Imagine que tu n'ais pas détruit l'autre broutille : bah d'une t'aurai plus tes bras. C'est cool quand même d'être mort tu ne peux pas mourir encore... tu revis toujours !
_ Selck ?
_ Yessss ! Sauvé par le garde !

Le hall de la confrérie en imposait par sa grandeur. Rien que l'observation de cette gigantesque bâtisse clouait le bec ou le museau ou je ne sais quoi d'autre à cet abruti de reptile. De gigantesques fresques étaient dessinées sur tous les pans de murs. Plus on avançait, plus la richesse de cette ville se démontrait. Le garde me regardait sans me voir, il était grand et mince mais ne semblait pourtant pas être quelqu'un de sot.

_ C'est pour quoi ?
_ C'est pour...
_ C'est pour intégrer la confrérie mon frère. Je pense que l'on peut accéder au formulaire B-212 de part le bureau qui se trouvera sur notre droite après 200 mètres n'est ce pas ? Le bureau de l'immigration contrôlée si mes souvenirs sont bons...

Choqué, le garde ne répondit pas. Mais je semblais être le plus choqué des deux. Beaucoup de question restaient sans réponse. Il me faudrait un jour comprendre ce qui se passe mais surtout : qui est cet étrange Necromos...

_ Tu le seras en temps voulu. Mais si t'avances pas tout de suite tu vas jamais être à l'heure pour le diner et moi j'ai les crocs !
_ Mais on dirait bien que Selck déteint sur toi !
_ Eh !! Vos gueules vous deux !

Le bureau des immigrations contrôlées semblait tout petit comparé à l'immense bâtisse que je venais de visiter. Mais pourtant le formulaire B-212 semblait quant à lui bien imposant.

_ Vous avez une heure. Après on ferme.

La responsable sorti.

_ Ah ces fonctionnaires je vous jure...
_ Selck...
_ Rhooo ! Mais c'était ma petite blagounette !

Kraan, "Mémoires d'un nécromant",
Chapitre 3-I, La rencontre...

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